Lille ratusz, geografia, Laissez vous conter (FRA)

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« Nous sommes heureux d’inaugurer en ce jour ce
superbe beffroi, qui proclame notre volonté de paix,
notre foi dans le travail et qui afirme la ierté des
Flandres »
Roger Salengro, discours d’inauguration du beffroi de l’hôtel de ville, 16 octobre 1932
L’hôtel de ville
Conçu par l’architecte Emile Dubuisson (1873-1947), l’hôtel de ville de Lille apparaît tout à fait gran-
diose par l’ampleur donnée à ses dimensions et l’ingéniosité de son plan. Bâti de 1924 à 1932 sous le
mandat de Roger Salengro, il ne fut achevé qu’en 1992 par l’édiication du bâtiment de l’extension, qui
lui donne alors un visage plus contemporain. L’hôtel de ville a été classé Monument historique en 2002.
Les enjeux
Au sortir de la Première Guerre
mondiale, la municipalité conduite par
Gustave Delory saisit l’opportunité
du démantèlement des remparts
du 19
e
siècle pour entamer le débat
sur l’aménagement futur de la ville.
Dès 1921 la municipalité organise
un concours en vue de l’élaboration
d’un véritable plan d’aménagement,
d’embellissement et d’extension de
la ville. L’ancien hôtel de ville (situé
place Rihour) ayant été détruit par un
incendie le 23 avril 1916, le projet d’une
nouvelle « maison commune » acquiert
un rôle primordial : il est pensé comme
la première pierre d’un ambitieux
programme qui, mariant habitat,
établissements scolaires, équipements
publics et espaces verts et de circulation,
doit tirer parti de l’espace libéré par le
déclassement des fortiications de la ville
prononcé en 1919.
Vue aérienne de l’hôtel de ville dans l’ancien quartier Saint-Sauveur
A l’arrière, la zone des anciennes fortiications, espace d’implantation de
nombreux équipements du programme des grands travaux de l’entre-deux-guerres
Plan de l’hôtel de ville dessiné par Emile Dubuisson
Seule une partie du programme initialement conçu
a été réalisée (zone colorée en rouge).
L’architecte et son projet
C’est Emile Dubuisson (1873-1947),
professeur à l’Ecole des Beaux-Arts
et à l’Ecole Régionale d’Architecture
de Lille, qui est chargé d’établir le
nouveau plan d’urbanisme pour
la ville. Celui-ci doit permettre
de réaliser les grandes ambitions
de modernisme et d’expansion
gouvernant l’idéal socialiste et
humaniste de la municipalité.
L’établissement du nouvel hôtel de
ville dans le quartier Saint-Sauveur,
square Ruault, est révélateur de cette
volonté, proposant une nouvelle
déinition des limites de la ville et de
sa centralité.
Le quartier Saint-Sauveur
Saint-Sauveur présente alors un
tissu urbain particulièrement dense,
héritage d’une urbanisation ancienne
et anarchique, profondément marquée
par l’histoire industrielle de la ville.
L’architecte propose donc de remanier
complètement le quartier, perçant
de nouvelles rues et remodelant les
îlots, pour une mise en alignement
évoquant l’urbanisme de régularisation
d’inluence Haussmannienne. Le projet
d’Emile Dubuisson, véritable écrin
pour le futur hôtel de ville, ne fut que
partiellement mis en Å“uvre, reportant la
restructuration de ce quartier populaire
dans les années 1960 et 1970.
... associé à une modernité très
afirmée...
La technique du béton armé n’est pas
en 1924 une nouveauté. Développée
à la in du 19
e
siècle, celle-ci avait été
expérimentée à Lille dès 1896 pour la
construction de la ilature Barrois Frères
à Fives, avant de devenir le principal
support des reconstructions de l’entre-
deux-guerres. Son utilisation est ici
parfaitement assumée : en choisissant
de laisser le béton apparent en façade
et à l’intérieur du bâtiment, l’architecte
afirme le rôle essentiel de ce matériau
dans la construction.
De plus, l’opposition marquée entre
les nerfs structuraux en béton et les
remplissages de briques imposent
une écriture architecturale qui rejoint
magistralement la tradition locale de
verticalité et d’élancement. Le béton
nu accompagne la brique et, par ses
textures et sa couleur, acquiert le statut
de matériau noble. Les statues colonnes
de Lydéric et Phinaert, modelées dans
le béton frais et à mains nues par le
sculpteur Sarrabezolles, conirment les
possibilités techniques du béton, qu’il
soit structure ou décor.
70 ans plus tard, le bâtiment de
l’extension (Pattou J et M architectes,
1992) reprend sous une forme
contemporaine certains des principes
adoptés par Emile Dubuisson : pignons
triangulaires, céramiques, emploi de la
brique comme matériau et décor.
Vue du grand hall et des guichets
L’ossature en béton armé libère l’espace sur des portées inédites
Façade rue du Réduit
La succession des pignons évoque l’architecture locale, dans un
dialogue harmonieux des briques et du béton armé
... pour un bâtiment rationnel et
fonctionnel
L’utilisation du béton va permettre
de développer une conception très
fonctionnelle de l’espace intérieur de
l’édiice, d’autant plus importante que le
nombre des services municipaux est alors
en constante augmentation. L’ossature
monolithique du bâtiment autorise
ainsi à reconsidérer les circulations
internes, en établissant un système de
plan libre permettant une redistribution
des services par la mobilité du système
de cloisonnement des bureaux. L’espace
s’organise autour d’une galerie longue de
143 mètres, divisée en trois nefs par deux
séries de colonnes. Elle ouvre sur quatre
bâtiments transversaux accueillant sur
trois niveaux les différents bureaux des
services. Trois halls aux plafonds éclairés
par des hourdis de verre sont établis entre
les pavillons. Immédiatement accessibles
au public, ces espaces proposent sur
leur pourtour de nombreux guichets
reliés aux services des étages par des
monte-lettres, sur le modèle des banques
contemporaines.
L’héritage des traditions
régionales...
Les références à l’architecture locale
sont évidentes. Ainsi les hauts pignons
à redents de la façade rue du Réduit ne
sont pas sans évoquer ceux d’un rang
de maisons du 17
e
siècle. L’écriture
générale des façades, animées par
la polychromie de la brique locale
associée au béton, les hautes toitures
percées de lucarnes chantournées,
l’alignement des ouvertures à meneaux
ou en anse de panier sont autant de
signes d’une tradition maîtrisée, mais
cependant épurée, et ici teintée de
modernisme.
Matériau régional remis à l’honneur
depuis la in du 19
e
siècle, la brique
participe, par l’emploi de couleurs
différentes et la variété de ses
appareillages, à rehausser la richesse
décorative du bâtiment. Vernissée,
grésée ou dorée, moulée pour
former des angles arrondis, posée
sur le chant ou à plat, associée aux
éléments de céramique ou de grès
cérame, elle oppose à la rigueur et
à la sobriété des lignes générales
un large éventail de ses possibilités
décoratives.
Vue de l’ossature en béton armé
Le jeu des poutres et des poteaux décide de l’écriture
architecturale
Lydéric et Phinaert
Héros fondateurs de la ville de Lille, ils soutiennent
symboliquement le beffroi de l’hôtel de ville
La igure du beffroi
Symbole des anciennes franchises
communales, le beffroi ancre le
proil du nouvel hôtel de ville dans
la tradition des villes du Nord.
Si l’identiication à la cité est ici
renforcée par la présence à la base
de la tour des deux héros légendaires
fondateurs de Lille, Lydéric et
Phinaert, l’échelle est pourtant
toute autre. Par son ampleur sans
précédent, le beffroi participe à la
constitution du Grand Lille : le rayon
de 30 kilomètres que couvre le phare
érigé à son sommet semble déier
le territoire régional, conirmant
le rayonnement de la ville sur ce
dernier.
Le beffroi en arrière-plan de la façade rue du Réduit
Travaux des fondations du beffroi
Un déi technique
Son édiication relève d’une phase
de travaux complexe conduite en
deux temps, de 1929 à 1931. Pour la
première fois était réalisé en France
un bâtiment en béton armé de plus
de 100 mètres de hauteur, que l’on
n’hésite pas alors à comparer à
un gratte-ciel new-yorkais. Le déi
technique était de taille. La nature du
sous-sol, peu appropriée pour recevoir
les 9 000 tonnes du beffroi, nécessita
de réaliser une fondation sur pieux.
La hauteur du bâtiment (104 mètres)
excluait l’emploi des engins de levage
ordinaires, et il fallut donc recourir à
un ascenseur. Ce dernier, disposé au
centre de la construction, était allongé
au fur et à mesure de l’avancement
des travaux. Malgré ces dificultés,
le beffroi fut construit au rythme
impressionnant de 4,10 mètres par
mois, pour être inauguré en 1932.
En 2005, le beffroi de l’hôtel de ville
a été inscrit par l’UNESCO sur la
liste du patrimoine mondial, en même
temps que 22 autres beffrois du Nord
de la France.
Les échafaudages du beffroi
en cours de construction en 1931
L’esprit Art déco
Cette référence à l’Art nouveau est
aussi décelable dans la démarche
de l’architecte : en réalisant lui-
même les croquis du décor intérieur
et en imposant les grandes lignes
stylistiques du mobilier, Emile
Dubuisson renouait en effet avec la
notion « d’œuvre d’art total ».
Pourtant, même s’il apparaît dificile
d‘en déceler les formes pures,
c’est l’esprit Art déco qui dicte
les grandes lignes stylistiques du
décor. L’utilisation de matériaux
très en vogue comme le fer forgé,
associés judicieusement aux marbres,
le soin particulier apporté à la
réalisation des initions, la volonté
enin d’utiliser le savoir-faire encore
artisanal des entreprises locales,
sufisent à inscrire le bâtiment dans
cette mouvance. Le traitement de la
lumière a également fait l’objet d’un
soin particulier : les cloches de verre
plafonnantes de la grande galerie, les
remarquables lustres des vestibules
et du grand hall, en plus de la qualité
exceptionnelle de leurs ferronneries,
diffusent une lumière blanche
particulièrement appropriée au lieu et
aux matériaux.
L’un des deux escaliers d’honneur de part et d’autre
de la grande galerie
Balustrades en fer forgé, plafond en béton moulé et
luminaires au verre dépoli
Les colonnes de la grande galerie en voie d’achèvement
La grande galerie
Traversant le bâtiment de part en
part sur 143 mètres, la grande galerie
est conçue comme une véritable
rue intérieure. Si elles rythment
l’espace, les 42 colonnes donnent
surtout à lire le système constructif
du bâtiment, souligné par le jeu des
nervures et la structure à caissons des
plafonds. Renouvelant l’espace, le
béton est lui-même décoré et anobli
par le soin extrême apporté au proil
des colonnes, qui métamorphosent
la galerie en une véritable forêt
minérale. La stylisation excessive
des larges feuilles ondulantes qui
composent les volubilis paraît relever
de l’Art nouveau, toutefois très
épuré.
Le bureau de Roger Salengro,
dominé par un impressionnant lustre aux forts accents
Art déco
L’art dans l’hôtel de ville
Refusant le préjugé qui consiste à
croire que la culture ne peut faire
parti du quotidien de chacun, l’hôtel
de ville est livré, dans les années 80,
à l’inspiration de cinq plasticiens de
renom : les peintres Erro, Messagier,
Kijno, Klasen et Dado. Loin de
transformer l’hôtel de ville en une
galerie d’art, chacune des œuvres
est un écho à la ville. Erro a ainsi
habillé les murs de la salle du conseil
d’une fresque qui raconte l’histoire
de Lille ; Klasen a rappelé, dans un
espace qui porte désormais son nom,
tout le poids de l’industrie dans la
construction de notre histoire, tandis
que les toiles immenses de Kijno et
Messagier représentent quelques
autres symboles de notre territoire,
tels « le P’tit Quinquin » ou
« La Porte de Paris ».
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